24.1.07

Solidarité n'est pas charité

La question de la solidarité est souvent appréhendée comme une démarche individuelle sous la forme d'un engagement volontaire pour venir en aide à ceux qui souffrent. Elle incarne une action valorisée socialement, mais dont on aime à rappeler le caractère électif : «Solidaire, oui, mais seulement si je veux...» Les défenseurs de la pensée libérale classique, qui se méfient depuis toujours d'un Etat social bureaucratique gouverné par une administration jugée contraignante, ne peuvent qu'encourager ces formes spontanées et souvent généreuses de la solidarité privée. Ils sont relayés par tous ceux qui aujourd'hui déplorent une culture de la déresponsabilisation individuelle et vont, dans certains cas, jusqu'à dénoncer l'imposture des droits sociaux.

A l'opposé de cette conception, le solidarisme de Léon Bourgeois, tel qu'il a été pensé dès la fin du XIXe siècle, était fondé sur l'idée que la justice sociale ne peut exister entre les hommes que s'ils deviennent des associés solidaires en neutralisant ensemble les risques auxquels ils sont confrontés. La socialisation du risque qui avait ainsi pris le pas sur la notion de responsabilité individuelle apparaît aujourd'hui en recul. On assiste bien en France à une érosion du socle historique de l'Etat social. Les assurances sociales sont en réalité de moins en moins sociales. Les notions classiques d'universalité des droits, de prévention, de redistribution institutionnalisée sont peu à peu remplacées par des notions de responsabilité individuelle, de ciblage de la protection sociale, de prise en compte individuelle des besoins. On peut donc se demander si la solidarité, organisée sous la forme d'un contrat social, n'a pas déjà plus ou moins perdu la partie. Ce débat prend même des formes sophistiquées à chaque fois qu'il est question du financement de notre protection sociale. Mais ne risque-t-on pas aujourd'hui, en opposant ainsi de façon radicale la responsabilité individuelle et la responsabilité sociale, de perdre de vue ce qui constitue le fondement de toute société humaine.

Rappelons-nous les leçons d'Emile Durkheim et de Marcel Mauss. Selon ce dernier, le citoyen doit être ni trop bon et trop subjectif, ni trop insensible et trop réaliste. Il faut, disait-il, dans son célèbre Essai sur le don, qu'il ait un sens aigu de lui-même, mais aussi des autres, de la réalité sociale et qu'il agisse en tenant compte de lui, des sous-groupes, et de la société. En réalité, il ne peut exister de société humaine sans solidarité entre ses membres.
La vie en société place tout être humain, dès sa naissance, dans une relation d'interdépendances aux autres et la solidarité constitue à tous les stades de la socialisation le socle de ce que l'on pourrait appeler l' homo sociologicus, l'homme lié aux autres et à la société, non seulement pour assurer sa protection face aux aléas de la vie, mais aussi pour satisfaire son besoin vital de reconnaissance, source de son identité et de son existence en tant qu'homme. Mais le risque n'existe-t-il pas que cette interdépendance fonctionnelle soit méconnue et que les individus, à mesure que croissent leur autonomie et leur liberté, se sentent libérés de toute dette à l'égard des générations passées, peu sensibles au destin des générations futures, et hostiles à l'idée d'une redistribution à l'égard des plus défavorisés ?

Puisque chaque individu dépend des autres, la solidarité doit correspondre à une morale partagée par tous. Dans les sociétés modernes, cette morale passe par un contrat social. Or ce dernier a été défini à la fin de la seconde guerre mondiale. Il doit aujourd'hui être réévalué à l'aune des nouveaux défis auxquels la société française est confrontée : crise de la société salariale entraînant un risque accru de disqualification sociale de franges importantes de la population active ; inégalités entre les générations qui se traduisent par des difficultés accrues pour les jeunes de participer pleinement à la vie économique et sociale ; inégalités de genre ­ dans le travail, la rémunération et l'accès aux fonctions de responsabilités dans la sphère publique ­, lesquelles tardent à être reconnues et combattues ; discriminations à l'égard des immigrés et des Français d'origine étrangère ; ségrégations urbaines et scolaires qui suscitent un doute sur nos modèles d'intégration.

La solidarité correspond à une responsabilité à la fois individuelle et sociale. Ce sont deux dimensions qui se renforcent mutuellement. La liberté individuelle n'est atteignable, dans une société démocratique, qu'à la condition d'offrir à chacun la possibilité de l'exercer pleinement. Cette ambition passe par le recours à la notion de responsabilité sociale. Avant d'incriminer les plus faibles en les rendant responsables de leur sort, il faudrait se poser la question de la place des plus défavorisés dans le système social. Est-ce normal que les moins qualifiés soient aussi les moins protégés en termes de couverture sociale ? Est-ce normal que les enfants des milieux défavorisés soient condamnés à échouer dans le système scolaire sans avoir la chance d'acquérir les bases nécessaires à leur intégration sociale ? Est-ce normal que les moins qualifiés aient moins accès à la formation continue que les plus qualifiés ?

Pour renouveler le contrat social, il faut commencer par débattre. La France a besoin d'améliorer sa politique d'éducation et de formation continue pour donner à chacun de réelles chances d'être intégré dans la vie professionnelle. Elle a besoin d'une grande politique du logement social pour permettre enfin aux plus défavorisés d'avoir un toit. Elle a besoin d'un rééquilibrage des quartiers urbains pour désenclaver les territoires où se concentrent toutes les inégalités, les humiliations et les souffrances. Elle a besoin d'une politique sociale et éducative pour offrir à tous les enfants, dès le plus jeune âge, de meilleures chances d'épanouissement et à leurs parents les moyens réels de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. De la réponse à ces questions dépend le re-décollage de la France. La solidarité en est une condition. L'investissement dans le capital humain, dans la protection sociale, dans des emplois de qualité, ne constitue pas une dépense superflue. Il s'agit au contraire d'accroître notre efficacité collective à sortir la France par le haut. Face à une économie de plus en plus flexible et globalisée, la comparaison de la France avec d'autres pays européens nous montre qu'il existe des marges d'autonomie pour les réformateurs sociaux en faveur d'une intégration plus solidaire. La campagne pour l'élection présidentielle doit être un moment privilégié pour réfléchir ensemble sur les fondements de cette solidarité à réinventer.

source: Serge PAUGAM directeur d'études à l'EHESS.- Libération

10.1.07

L'appel du 1er février

L’Alliance pour la Planète (groupement national d’associations environnementales) lance un appel simple à tous les citoyens, 5 minutes de répit pour la planète : tout le monde éteint ses veilles et lumières le 1er février 2007 entre 19h55 et 20h00. Il ne s’agit pas d’économiser 5 minutes d’électricité uniquement ce jour-là, mais d’attirer l’attention des citoyens, des médias et des décideurs sur le gaspillage d’énergie et l’urgence de passer à l’action ! 5 minutes de répit pour la planète : ça ne prend pas longtemps, ça ne coûte rien, et ça montrera aux candidats à la Présidentielle que le changement climatique est un sujet qui doit peser dans le débat politique.

Pourquoi le 1er février ? Ce jour là sortira, à Paris, le nouveau rapport du groupe d’experts climatiques des Nations Unies. Cet événement aura lieu en France : il ne faut pas laisser passer cette occasion de braquer les projecteurs sur l’urgence de la situation climatique mondiale.

Si nous y participons tous, cette action aura un réel poids médiatique et politique, moins de trois mois avant l’élection présidentielle !

Faites circuler au maximum cet appel autour de vous et dans tous vos réseaux ! Faites le également apparaître sur votre site Internet et dans vos news letters.

Contact/ information : Cyrielle, Les Amis de la Terre : 01 48 51 18 95

3.1.07

1% de solidarité numérique

La fracture numérique entrave les possibilités de développement que les TIC pourraient offrir aux plus démunis. Elle limite la production et la circulation de connaissances, accentue le retard économique et intensifie dangereusement l’incompréhension entre les peuples. Elle est de nature à amplifier l’émigration et la déculturation. Enfin, elle réduit les efforts engagés pour promouvoir la diversité culturelle. Aujourd’hui, il n’est pas acceptable que plus de 80% des êtres humains restent exclus des réseaux informationnels mondiaux, qui sont les nouvelles voies incontournables des échanges économiques, culturels, politiques et sociaux.

La fracture numérique n’est pas un problème technique. C’est une question politique : elle met en évidence les inégalités d’accès aux savoirs entre populations, entre pays et continents. Contribuer à l’égalité des chances à l’ère du numérique signifie aller au-delà des déclarations d’intention : il faut agir sans délai. Désenclaver les zones marginalisées, répondre au déficit en équipements et investir dans l’alphabétisation informatique sont des actions nécessaires et urgentes.

La mission du Fonds mondial de Solidarité Numérique (FSN) est de réduire la fracture numérique et de contribuer à l’édification d’une société de l’information solidaire et inclusive :

- en mettant les technologies de l’information et de la communication au service du développement humain ;
- en facilitant l’accès de tous à la société des connaissances ;
- en contribuant aux objectifs du Millénaire.

En mars 2002, à Monterrey, la Conférence internationale sur le financement du développement a mis en évidence la nécessité d’accroître substantiellement les financements pour réaliser les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM). C’est dans ce contexte que le Fonds mondial de Solidarité Numérique (FSN) a proposé la contribution de « 1% de solidarité numérique » sur les marchés publics relatifs aux TIC, spécifiquement affectée à la lutte contre la fracture numérique.

Le principe du « 1% de solidarité numérique»

Toutes les institutions, publiques ou privées, désireuses de contribuer à la réduction de la fracture numérique, de permettre l’accès aux connaissances et, de participer à l’édification d’une société de l’information plus équitable peuvent appliquer ce principe. Sa mise en oeuvre est simple et efficace. Elle a déjà été testée par diverses collectivités publiques :

- Introduction d’une clause de solidarité numérique dans tous les appels d’offres de biens et services relatifs aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Au terme de cette clause, les fournisseurs répondant aux appels d’offres s’engagent à verser 1% de la transaction, prélevé sur leur marge bénéficiaire, au Fonds mondial de Solidarité Numérique (FSN).
- Versement du 1% de la transaction au FSN.
- Investissement des sommes récoltées par le FSN dans des projets communautaires structurants, visant la demande insolvable et utilisant les TIC comme catalyseur de développement. De nouvelles activités, de nouveaux emplois, et, à terme, de nouveaux marchés sont ainsi créés dans les pays et les régions aujourd’hui marginalisés. Le principe du « 1% de solidarité numérique » doit être le principe universel d’une société de l’information équitable :

- Il complète efficacement les financements traditionnels du développement en offrant une source de revenus stable, destinée spécifiquement à la réduction de la fracture numérique.
- Basé sur la décision volontaire d’institutions publiques ou privées, il permet à tous d’agir concrètement pour l’édification d’une société de l’information plus équitable.
- Prélevé sur la marge bénéficiaire du fournisseur, il n’implique aucun coût direct pour l’institution qui l’applique.
- Clairement spécifié lors de l’appel d’offre, son application ne peut faire l’objet d’une interprétation ou d’une négociation. Par conséquent, il respecte les règles de la libre concurrence.
- Les sommes prélevées sur les marges bénéficiaires des fournisseurs de biens et services relatifs aux TIC sont directement réinvesties dans le même secteur d’activités. Cette contribution n’est donc ni un impôt, ni un don, mais un investissement dans les marchés de l’avenir.
- Les institutions qui appliquent le principe, ainsi que les fournisseurs qui répondent aux appels d’offre reçoivent le label de la solidarité numérique.

Comment s’engager

Collectivités publiques ou entreprises privées qui achètent des biens et services relatifs aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Les collectivités publiques et les entreprises privées peuvent appliquer le principe du « 1% de solidarité numérique » lors des achats de biens et/ou services relatifs aux TIC.

Il leur suffit d’introduire une clause de solidarité numérique dans leurs appels d’offres. Au terme de cette clause, les fournisseurs s’engagent à verser une contribution de solidarité numérique, équivalant à 1% du montant de la transaction, au FSN. Cette contribution est prélevée sur leur marge bénéficiaire et donne droit au label de la solidarité numérique.

Les entreprises privées qui fournissent des biens et services relatifs aux TIC, ont plusieurs options pour contribuer concrètement à la réduction de la fracture numérique :

- Appliquer spontanément le principe du « 1% de solidarité numérique »
Chaque entreprise peut décider d’adhérer au principe du « 1% de solidarité numérique », en versant au FSN une contribution de 1% du montant de leurs transactions de vente, prélevée sur leur marge bénéficiaire. Les entreprises reçoivent alors le label de la solidarité numérique et peuvent bénéficier de ses avantages.

- Financer un projet spécifique
Une entreprise peut financer un projet spécifique, choisi parmi les propositions de projets adressées au FSN.

Le « 1% de solidarité numérique » c'est l’engagement concret en faveur d’une société de l’information plus équitable, basée sur l’accès universel à l’information et aux savoirs, en mettant les technologies de l’information et de la communication (TIC) au service du développement.

Source: Fond mondial de Solidarité Numérique